Lauréate du Femina étranger il y a dix ans pour son titre "Certaines n’avaient jamais vu la mer", la romancière américaine d'origine japonaise Julie OTSUKA explore à merveille, dans ce nouveau roman, le grand âge et ce qui se noue dans les dernières séquences d'une vie.
Elle offre un texte poignant sur la fin de vie d'une vieille dame, Alice, qui glisse doucement vers la démence.
Alice qui va à la piscine pour faire ses lignes de nage. Dans un bassin aux allures de huis clos chloré, elle fait partie d'une communauté de nageurs, réglés comme du papier à musique, ondulant dans un ballet parfaitement orchestré et chorégraphié.
Alice trouve un vrai réconfort à nager "là en bas". Elle pense : "Là en bas", se trouve la tranquillité, loin du fracas du monde de là-haut".
Lorsqu'une fissure apparaît au fond du bassin, puis deux, puis des dizaines, ce sont en réalité d'irréversibles fêlures qui s'annoncent pour son cerveau.
Alice oublie peu à peu presque tout. Mais elle se remémore les moments importants de sa vie : son enfance, la guerre, son internement dans un camp, son amoureux, son mariage, la perte de sa première fille "parfaite" et...Et la relation compliquée avec sa seconde fille qui essaie de trouver des solutions et cherche une institution pour y accueillir dignement sa mère, non sans peine.
Alice dans sa ligne de nage qui remonte à la surface, fait des longueurs, la dernière, puis voit venir l'heure de fermeture de la piscine.
Alice dans sa ligne de vie qui revit ses souvenirs, rythme ses émotions, puis voit venir sa fin annoncée.
Julie OTSUKA déploie dans ce roman une douce langue métaphorique. Elle capte les variations, les rétrécissements et les fragilités imposés par le gouffre du temps comme les moments suspendus qui illuminent une vie irrémédiablement tendue vers la mort. Elle confirme ici un immense talent et sa pleine capacité à explorer le beau et le dramatique dans un style à faire pâlir.
« Moi, je ne réalisais pas vraiment ce qu’on allait faire là-bas.
On vivait minute par minute, et c’est ça la vie, finalement, c’est : minute par minute, le reste, c’est du vent. »
Édith se sait gravement malade. Elle a convaincu son mari et leurs quatre enfants de l’accompagner à Bâle, en Suisse, où la mort volontaire assistée est autorisée.
Elle a choisi le jour et l’heure.
Le temps d’un dernier week-end, chacun va tenir son rôle, et tous vont faire l’expérience de ce lien inextricable qui soude les membres d’une famille.
Dans un road trip tendre et déchirant, Carole Fives dresse avec délicatesse le tableau d’un clan familial confronté à l’indicible et offre la parole à ceux qui restent et qui acceptent un choix de non vie.
Un sujet complexe abordé avec humour, sensibilité, grande justesse et finesse.
RENCONTRE AVEC LAURA EL MAKKI
Jeudi 9 novembre 2023
Sommes-nous capables de nous reconnaître dans la nuit ?
Quel jour sommes nous ? Dans quelle contrée ?
Un matin comme un autre, le soleil ne se lève pas. Les bêtes disparaissent. Les voitures et les téléphones cessent de fonctionner. Et c'est tout un village, le monde peut-être, qui est à l'arrêt, plongé dans le noir.
La jeune adolescente Anna qui vient de connaître l'amour, Ethel qui a perdu depuis longtemps le fil de sa vie, Josselin qui porte sur le visage les traces monstrueuses d'un accident, le petit Gautier, Pierre...tous cherchent à (sur)vivre dans cette nuit souveraine.
Une femme étrange, vivant en retrait du village, est vite soupçonnée d'avoir jeté un sort au ciel et devient l'objet de toutes les
obsessions...
Colossale, éblouissante, la lune seule les éclaire tous, désarmés et tâtonnants. Elle les guide et peu à peu les transforme, remettant tout en jeu : leurs choix passés et leurs désirs enfouis.
Et si, loin d'être la fin du monde, cette nuit était le début de leur monde ?
Laura El Makki offre un très beau roman choral aux ambiances mystérieuses, emprunt d'une angoisse collective nocturne, prolongée qui transforme le paysage et les êtres.
Autrice de plusieurs biographies (Henry David Thoreau et H.G. Wells - Les Soeurs Brontë, la force d'exister), Laura El Makki est également productrice de radio et de podcasts. Elle a notamment dirigé les séries Un été avec Proust (2013) et Un été avec Victor Hugo (2015) sur France Inter adaptées en livres aux Éditions des Équateurs.