"Tous ces préjugés de merde, on va les éclater avec nos vêtements !"
Avec ce premier essai, on peut assurément dire que le jeune mangaka Keito GAKU frappe fort d'entrée de jeu, tant son personnage principal, Ryo, est criant de vérité en cristallisant bien des craintes quant à la façon dont la société peut banalement juger tout un chacun et plus encore celles et ceux qui ne rentrent pas dans le moule.
"Boys Run the Riot" c'est Ryoko Watari, enfin Ryo comme il préfère se faire appeler, un lycéen se sentant mal dans son corps à cause de sa dysphorie de genre.
Assigné femme à la naissance, Ryo s'est senti homme depuis l'enfance. Il a toujours préféré traîner avec des garçons et se sent mal en fréquentant des filles. Il essaie tant bien que mal d'étouffer son véritable lui et peine à faire face aux regards d'incompréhension que son entourage lui renvoie sans méchanceté mais en véhiculant tout ce que les diktats de la société et la notion de "normalité" peuvent discrètement imposer.
Tout va basculer pour lui quand arrive dans sa classe un nouvel élève, Jin Sato. Grand, stylé, ne portant pas d'uniforme mais des vêtements de rue et qui n'a absolument pas honte de son look. Ryo admire ce garçon qui n'a aucune gêne à s'afficher comme il est et comme il le veut mais il ne s'attendait sans doute pas à ce que Jin change en profondeur son quotidien.
Une série manga en quatre tomes qui fait fort dès son premier volume, sélectionnée en 2021 dans la catégorie « Meilleur Manga » des Harvey Awards.
Puissions nous croire à trois opus suivants qui nous bousculeront tout autant.
Le tout jeune Skander n’a pas eu la vie facile.
Placé à l’Aide sociale à l’enfance dès son plus jeune âge, il est trimballé de famille d’accueil en famille d’accueil.
Abandonné par ses parents, Skander est un élève doué qui souffre en silence : "je m’étais persuadé que j’étais mauvais et inutile à tous puisqu’en temps de paix on n’abandonne pas son enfant. On m’avait maudit à la naissance".
Curieux de tout, passionné par la lecture, il trouve refuge dans les dictionnaires.
Mais son destin bascule lorsqu’il atterrit dans le "93", en banlieue parisienne, chez la redoutable Madame Khadija, une femme exceptionnelle et résiliente.
Il est entraîné malgré lui par les jeunes du grand quartier qui abolissent sa boussole morale. La rue devient son royaume et l’éloigne chaque jour davantage de ses rêves d’enfant.
Ce premier roman pose la question du déterminisme social, celui d'un parcours chaotique, à la lisière d’une violence systémique, d’un enfant qui n’aspire qu’à réussir ses études et qui se retrouve confronté à une société inégalitaire.
Un récit irrésistible, juste et bouleversant.
Roman sélectionné pour les prix Goncourt et Renaudot 2023.
PRIX LANDERNEAU BD 2022
DEDICACE EVENEMENT AVEC DAVID SALA
Vendredi 24 novembre 2023
"Avec cet album j'ai un peu l'impression d'avoir rempli ma mission"
David SALA réalise et (dé)livre un album superbe, au graphisme éblouissant où son intime profond se mêle au témoignage mémoriel.
Il raconte, à travers ses yeux d'enfant, l'histoire de sa famille, marquée par deux figures tutélaires, ses deux grands-pères, héros de guerre bien malgré eux, des résistants autant que des survivants, de l'Espagne franquiste au camp de concentration de Mauthausen.
En convoquant ses souvenirs et imageries de petit garçon, il nous offre le grand plongeon dans une majestueuse et foisonnante exploration de l'enfance et de l'adolescence.
Le recours à l'imaginaire permet d'approcher les zones d'ombre de la grande Histoire et les failles personnelles à bonne distance, tout en recomposant un parcours d'apprentissage et de transmission universelle nécessaire.
Le poids de l'Histoire devient le poids des héros, un hommage vibrant aux hommes et leur humanité.